L'Histoire de Tignes

L'habitat tignard

Centre de la vie familiale, la maison tignarde reprend un mode d’habitation que l’on retrouve à Val d’Isère mais aussi en Haute Maurienne.

Pourvue d’un mur épais, de petites fenêtres et d’une porte en mélèze large, elle dispose souvent d’un étage dont une partie est occupée par la grange et l’autre par la chambre. Cette chambre donne accès à un balcon qui se trouve le plus souvent au dessus de la porte principale.
On retrouve dans ces maisons à la fois les Tignards et les animaux domestiques qui constituent une source de chaleur.
Les dispositions sont souvent similaires d’une maison à l’autre. Ainsi, une partie du rez-de-chaussée séparée par une cloison qui monte à mi-hauteur, est réservée aux animaux. Les vaches regardent le mur et ne sont sorties que deux fois par jour pour aller à l’abreuvoir alors que les poules éventuellement présentes bénéficient d’une plus grande liberté de circulation et ont leur perchoir au-dessus de l’espace réservé aux vaches. A proximité, se trouve le placard à foin ravitaillé deux fois par jour et qui sert à nourrir les animaux.

La partie principale réservée aux habitants (lo boôu) dispose d’un coin salle à manger et cuisine au sein duquel on trouve le fourneau à quatre marmites (ooûla) et la grande table en mélèze. La chambre à coucher est constituée de lits-placards qui sont des lits assez hauts, fixes et fermés d’un rideau. Sous ces lits, est aménagé un espace pour les moutons qui mangent une fois par jour à l’arssiban. Mangeoire, l’arssiban sert aussi de banc et joue un rôle extrêmement important dans la vie familiale : c’est sur lui que l’on fait la sieste et c’est autour de lui que s’organisent les veillées.

Depuis l’extérieur, on accède au boôu par un corridor où se trouvent de chaque côté, d’une part, la cuisine et le séjour d’été, et d’autre part, le gynécée, chambre réservée aux filles de la famille qui peut parfois accueillir les personnes malades ou les mères en couches.

L’étage est également divisé en deux parties : d’un côté, une chambre à coucher contenant plusieurs lits souvent orientée plein sud, et de l’autre, la grange avec un espace aménagé pour que l’on puisse battre les céréales.

Parfois, la maison dispose d’une annexe où il est possible de ranger le matériel et d’héberger les animaux plus rustiques dont l’odeur est plus forte (mulet, chèvre, bouc et cochon). Un petit grenier occupe le premier étage où sont stockés les vivres (céréales, farine, riz, pain, jambon, carcasses). 

 

L'ancien Tignes, centre de la vie communautaire

Malgré les traces d’une fréquentation humaine dès l’Antiquité, favorisée par l’existence de voies secondaires vers l’Italie et la Maurienne ainsi que la présence d’un village dès le Moyen Age, il est difficile d’apporter des éléments quant à l’histoire tignarde avant le XVIIe siècle.
Si Tignes se compose de différents hameaux de tailles plus ou moins importantes, le chef-lieu situé dans la cuvette aujourd’hui inondée, apparaît tout au long de l’histoire comme le véritable centre de la vie communautaire.
Le chef lieu s’articule autour de la place du village. Sur cette aire, se trouvaient au début du XXe siècle, l’auberge Saint Roch, l’hôtel de la Grande Sassière considéré comme le premier véritable hôtel de Tignes, une sorte de boîte de nuit qui vit le jour au milieu des années 30, La Cagna et une épicerie mercerie. A proximité de la place, fut aménagé l’hôtel du Mont Pourri considéré longtemps comme le plus bel hôtel du village. C’est sur cette place que la population venait aux nouvelles et débattait des affaires publiques.

C’est également au sein du chef-lieu que l’on trouve deux autres éléments importants de la vie communautaire.
Entourée par le cimetière, l’église Saint-Jacques apparaît basse et trapue et a subi peu de modifications au long de son histoire contrairement à de nombreuses églises de Tarentaise. 
Le mobilier se remarque par ses autels datant des XVIIe et XVIIIe siècles dont les devants comportent de beaux cuirs de Cordoue peints (probablement fabriqués en Provence), de retables datant de la même période de style baroque en bois sculptés, polychromés et dorés à la feuille d’or, d’œuvres d’artistes de la Valsesia et de nombreux objets d’ornements (vases, statues en bois du XVIe au XVIIIe siècle, objets de culte…). Aujourd’hui encore, il est possible d’admirer ces œuvres dans l’église située aux Boisses.

Le retable majeur date du XVIIIe siècle et porte les armoiries des donateurs, les familles du Verger et de Chabod de Saint Maurice : sur le tableau d’ailleurs, les têtes de Saint Maurice, Saint Christophe et Sainte Catherine sont sans doute des représentations des membres de ces familles. 
On accédait à l’église par trois portes : la porte des Chartreux (du nom du quartier situé au sud de l’église), la porte de la place du village et la porte de la Ramouliva (du nom du quartier situé au nord de l’édifice religieux). C’est au sommet du chemin qui partait de la porte de la Ramouliva et qui menait au quartier du même nom qu’allait être inauguré le premier magasin de sports du village. 

L’autre élément, la mairie faisait également office de bâtiment pour l’école communale : divisée entre les classes des garçons et celles des filles, l’école contenait à l’étage le logement de l’instituteur ainsi que la salle où se réunissait le conseil municipal.

C’est donc dans ce dernier édifice qu’étaient prises les décisions relatives à la communauté tignarde. 
L’organisation politique reflète fidèlement l’ordre social : au XVIIIe siècle, la commune est dirigée par un syndic et quatre conseillers (corps du conseil de la paroisse de Tignes) issus des familles relativement aisées. 
C’est notamment ce conseil qui décide des règlements de pâturage sur les biens communaux, approuve le budget élaboré par le secrétaire et répartit l’impôt direct. Il mène à bien la gestion des affaires publiques pour une population qui double presque entre le milieu du XVIe siècle et le début du XIXe siècle (de 622 à 1164 habitants). 

L’organisation administrative se modifie après l’annexion française (1860) mais la communauté demeure dominée par une dizaine de familles et ce jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Cette élite se compose en règle générale, de grands alpagistes impliqués dans les activités de commerce et de transport et continue de veiller aux destinées du village. 

A l’instar d’autres communautés, celle de Tignes est déchirée par des tensions internes qui sont néanmoins atténuées par une réelle solidarité de groupe nécessaire en raison de l’environnement difficile.

Les activités tignardes

Comme la plupart des communautés de montagne, les Tignards ont dû composer avec l’altitude et la pente pour vivre sur un territoire soumis à de fortes contraintes climatiques. Ils ont su développer, dans cette optique, un mode de vie adapté à l’environnement de montagne.
Mêlant activités agricoles et élevage à migration estivale, l’agropastoralisme constitue jusqu’au début du XXe siècle, la base de l’économie tignarde. En effet, la vie de la communauté évolue au rythme des transhumances.
Une partie des alpages et des bois appartient à la communauté qui fixe leur exploitation selon des règlements précis. Source de revenus, les alpages pouvant être loués à des éleveurs non tignards, ces terrains communaux sont également un moyen de renforcer les solidarités à l’intérieur même du groupe en permettant notamment aux plus démunis d’accéder à la terre et aux herbages.
À la fin de chaque période hivernale et avant de monter les bêtes à l’alpage au cours des mois de mai et juin, les alpagistes doivent vérifier l’état du déneigement, la pousse de l’herbe et l’état des chalets, qui subissent souvent les rigueurs de l’hiver et des avalanches en particulier. Afin d’en limiter les dégâts, les alpagistes ont d’ailleurs pris l’habitude d’aménager un amas de terre et de pierre (bario en patois tignard) entre le chalet et la montagne dans le but de faire passer les coulées neigeuses au-dessus du toit du bâtiment. 
En raison des conditions climatiques et géographiques, l’agriculture est soumise à de nombreux aléas et demeure de nature vivrière. Il n’est pas rare de voir des récoltes abîmées par le gel ou la neige. Ainsi, en 1754, les habitants de Tignes, des Brévières et du Val de Tignes (l’actuelle commune de Val d’Isère) font parvenir au roi de Piémont-Sardaigne leur désarroi suite à la vague de froid et aux chutes de neige subies les 26 et 27 juin, qui ont emporté une importante partie de la récolte.
À côté de ces activités agricoles, le commerce constitue une part non négligeable des activités tignardes. La tradition d’émigration s’inscrit d’ailleurs dans ce sens. En effet, même si l’émigration apparaît comme un moyen de soulager les familles les plus modestes durant la difficile période hivernale et si parmi les migrants, on compte un certain nombre d’ouvriers et d’ouvrières (travail de la soie à Turin, activités liées à la fabrication de dentelles), les émigrants s’adonnent avant tout à des activités de commerce (merciers, colporteurs, marchands et négociants). Le film La Trace, réalisé par Bernard Favre (avec dans le rôle principal Richard Berry), évoque d’ailleurs de fort belle manière, le poids du colportage dans la vie du village ainsi que les conditions de vie particulière de cette catégorie.

Avant de partir, les colporteurs achètent les marchandises au plus bas prix possible sur les marchés ou dans les magasins (couvertures, draps, étoffes, boutons, fils, aiguilles, becs de plume, crayons…) avant de les revendre dans les différents villages qu’ils rencontrent. Au-delà de l’activité commerciale, le colporteur est également celui qui apporte les nouvelles dans les différents villages et hameaux. Sa vocation dépasse donc le simple cadre économique. 

Cette émigration, qu’elle soit temporaire, saisonnière ou définitive, demeure un élément indissociable de l’histoire de Tignes. Pression démographique, pauvreté mais aussi volonté d’ascension sociale et intérêts économiques expliquent donc ces courants migratoires. 
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les Tignards entretiennent de fortes relations avec le versant italien du royaume savoyard (Val d’Aoste et Piémont). Le courant se modifie après l’annexion française de 1860 et pousse les migrants de Tignes vers la France (Paris et les villes du sud comme Montpellier, Béziers, Arles…). 
Une importante part de cette émigration reste longtemps de type saisonnière et correspond à la longue période hivernale (6 à 9 mois), une fois les travaux aux champs et aux alpages terminés. Elle permet de soulager la commune durant la difficile période hivernale, en particulier pour tout ce qui concerne la gestion des denrées. Elle constitue également un revenu d’appoint pour les familles les plus modestes. 
Certains émigrants choisissent parfois de s’installer définitivement à l’extérieur dans le but de chercher fortune ou de renforcer les réseaux commerciaux établis par leur famille. Ainsi, les familles Bognier et Revial ont connu la réussite dans le négoce en s’installant à Turin et à Pinerol. Aujourd’hui encore, il est possible de voir les traces de cette émigration tignarde : par exemple, on trouve toujours sur la principale place d’Aoste, la brasserie Boch.

Phénomène plus original, les Tignards entretiennent une longue tradition de commissionnaires à l’Hôtel Drouot à Paris durant cette période. Jusqu’à la fin des années 1930, ils représentent même le plus gros contingent au sein de cette fonction. 
Il faut enfin noter que le phénomène migratoire concerne avant tout la population masculine de Tignes issue des feux comprenant un grand nombre de personnes. Parmi la population féminine, seules les dentellières ou les épouses qui suivaient leur mari, émigrent.

S’ajoutent à ces activités traditionnelles, des pratiques illicites telle que la contrebande qui reste liée aux interdictions édictées par les autorités ainsi qu’à la surtaxe de certains produits. Les changements de frontière provoqués par l’occupation française à compter de 1792 puis l’annexion (1860) renforcent cette pratique vers l’Italie destination privilégiée des émigrants tignards à l’époque du duché de Savoie puis du royaume de Piémont Sardaigne. 
La pratique de la contrebande apparaît comme une tradition dans le quotidien du village et va de pair avec l’image du Tignard souvent qualifié d’individualiste et épris de liberté. 
La contrebande demeure ainsi jusqu’à la Seconde Guerre : malgré des conditions parfois extrêmes, certains Tignards transportaient sel, riz, bas nylon, papier à cigarettes, accordéons, machines à écrire et même des petits cochons vers le Val d’Aoste en particulier via le col de la Galise et surtout le glacier de Rhêmes-Golette situé à proximité de la Grande Sassière. 

Tout au long de l’histoire de Tignes, il est fait cas de nombreuses arrestations et poursuites contre des contrebandiers tignards. Un évènement est d’ailleurs révélateur des liens que pouvait entretenir la population avec ces pratiques. En décembre 1798, après avoir saisi des ballots de marchandises à Val d’Isère et avoir appris que le transport était assuré illégalement par des Tignards, neuf douaniers prirent le chemin de Séez pour ramener leur saisie. Or, en traversant les différents hameaux de Tignes, ils durent composer avec l’hostilité des habitants et finirent par abandonner la marchandise comme ils l’expliquent dans leur rapport : 
« (…) nous avons vu en traversant les différents villages de cette commune quantité d’attroupement de personnes des deux sexes, dont plusieurs et surtout des femmes, nous auroient injurié et menacé disant que nous n’avions pas encore passé les bois, qu’on pourroit bien nous exterminer et nous jetter dans l’Isère (…) mais dès que nous avons eu dépassé les dernières maisons du dit lieu appelé La Chaudanne (…) nous avons apperçu un attroupement d’hommes armés de fusils ou carabines, embusqués sur notre chemin et retranchés derrière des monticules, rochers et bois, lesquels au même instant auroient dirigé sur nous et sur notreconvoi quantité de coup de d’armes à feu, dont les balles nous auraient touché de près (…) et n’appercevant aucun moien pour nous mettre à l’abri des dangers (…) nous avons été forcés d’accepter l’offre des dits Boch et Reymond qui alors nous ont conduit chez Favre dit Flandrin cabaretier (…) leur laissant, comme dit est en leur pouvoir les treize balots, dont ils se sont chargés sur leur responsabilité… ».

Au final, après que la communauté fut attaquée en justice et soumise à une forte amende, les autorités décidèrent finalement l’abandon des poursuites dans un souci d’apaisement et clôturèrent l’affaire qui reste un témoignage fort de la solidarité tignarde. 

À compter de la seconde moitié du XIXe siècle, la commune connaît un déclin relatif. Si l’économie demeure dominée par l’élevage, les activités commerciales évoluent. Ainsi l’activité dentellière s’essouffle fortement avant de disparaître au lendemain du premier conflit mondial. 
L’émigration évolue également : elle tend à devenir définitive ce qui entraîne un vieillissement de la population. À l’instar de nombreux villages de montagne, Tignes doit alors faire face à un exode relativement important.
Face à cette situation, un partie de la population de Tignes va trouver alors son salut dans un nouveau domaine : le tourisme…

Le barrage : Tignes Semper Vivens

Construit sur la commune de Tignes, le barrage crée un lac artificiel de 235 millions m3 couvrant une superficie de 270 ha. 
Cet aménagement résulte d’une volonté de l’État prise au nom du bien commun et de l’intérêt général. Le projet est proposé dès 1929 avant d’être retardé en raison de la crise des années 30 puis de l’occupation. L’idée n’est toutefois pas abandonnée : après le vote de la loi de nationalisation de l’électricité (avril 1946) et dans le contexte de la reconstruction du pays après-guerre, les travaux du barrage de Tignes sont déclarés d’utilité publique et d’urgence le 10 mai 1946. 
Réalisés entre l’été 1947 et novembre 1952, financés par l’État et par les aides allouées dans le cadre du Plan Marshall, les travaux ont nécessité l’utilisation d’un puissant matériel de chantier et des moyens humains énormes. 5 600 ouvriers sont ainsi recensés au cours de l’été 1949. Les conditions de travail, l’hostilité du milieu naturel et la volonté d’accomplir les travaux rapidement coûteront la vie à 52 d’entre eux (sans compter les décès liés aux maladies contractées par la suite comme la silicose des mineurs).

L’ouvrage est finalement inauguré en juillet 1953 en présence de Vincent Auriol, président de la République. 
Cet aménagement a eu pour conséquence la dispersion des habitants de l’ancien chef-lieu ainsi des hameaux situés à proximité. Les divisions de la communauté tignarde, les relations difficiles avec EDF, les péripéties judiciaires n’ont pas permis d’envisager l’avenir de cette population dans de bonnes conditions : à l’heure de l’évacuation, sur les 87 familles de l’ancien village, 15 sont relogées dans la commune, une vingtaine dans le canton, 6 à Val d’Isère, 26 dans les deux départements savoyards et 11 dans le sud de la France. 
Cette évacuation réalisée dans des conditions dramatiques et la dispersion qui a suivi, sont toujours présentes dans l’esprit des Tignards et ont été commémorées en 2002 par l’édification de la Statue Mémorial du sculpteur Livio Benedetti qui célèbre à la fois la mémoire de l’ancien Tignes et qui se tourne vers l’avenir.

La destruction de l’ancien village a nécessité l’émergence et l’aménagement de nouveaux points de rassemblement pour les habitants. 
Dans un premier temps, les Boisses deviennent le nouveau centre de la commune. On y retrouve l’église Saint Jacques, reconstitution à l’identique de l’église de l’ancien village, le cimetière contenant les corps déplacés de l’ancien village et les bâtiments communaux, en particulier la mairie, qui restera en place jusqu’à son transfert en 1977. Concernant l’église des Boisses, il faut noter que six cloches ont été coulées pour rappeler l’ancien Tignes et les hameaux détruits : le chef-lieu, Villarstrassiaz, Ronnaz, La Chaudanne, la Milleguaz, Lilaz et le Grand Pré.

Par la suite et 25 ans après l’évacuation de l’ancien village, les services communaux s’installent au sein de l’Unité Touristique à Tignes-le-Lac devenu depuis 1975 le nouveau chef-lieu de la commune témoignant ainsi de l’importance prise par le village situé à 2 100 m et par-là même le développement de la station de sports d’hiver…

Les débuts du tourisme à Tignes

Le développement de l’alpinisme modifie la vision de la montagne et permet de jeter les bases d’un premier tourisme alpin. 
Moins d’un siècle après l’ascension du Mont Blanc (1786), William Mathews se lance à la conquête des sommets qui entourent Tignes : en 1860, il escalade la Grande Sassière avant de conquérir, un an plus tard, le sommet du Dôme de la Sache. La pointe Mathews (3 837 m) rappelle aujourd’hui encore les exploits de l’alpiniste anglais qui ouvrit la voie à d’autres comme Michel Croz (ascension du Mont Pourri en 1861) ou les Anglais Cuthbert, Brandford, Roswel et Nichols (ascensions de Grande Motte en 1864 et de Tsantéleina en 1865).

À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, le tourisme de montagne connaît un premier essor qui se limite toutefois à la seule période estivale. Durant la Belle Époque, les citadins viennent alors profiter de l’air frais de la montagne. 

Après le premier conflit mondial, Tignes bénéficie de l’amélioration des conditions de transports : à partir de 1914, le train arrive jusqu’à Bourg-Saint-Maurice tandis que la route jusqu’à Tignes est aménagée. Des mesures sont en particulier prises pour protéger la voie des risques d’avalanches.

Durant l’entre-deux-guerres, Tignes connaît une hausse significative de la fréquentation : le tourisme ne se limite plus à la simple saison d’été, la pratique du ski se développe aussi fortement. Dans ces conditions, le village se dote d’une école de ski, d’un monte-pente, d’un magasin de sports ouvert par Simon Rimmer dans le quartier de la Ramouliva, d’un syndicat d’initiative, d’un ski-club appelé « l’Association des Amis du Sport et la Lecture » et de neufs hôtels et pensions tels que l’Aiguille Percée (anciennement l’auberge Saint Roch dans laquelle descendit l’alpiniste William Mathews), l’hôtel de la Grande Sassière, l’hôtel Grande Motte, l’hôtel du Mont Pourri ou encore la Pension des Skieurs tenue par un italien dénommé Asti Silvio.

Durant cette période, les compétitions de ski se multiplient. Ainsi au début du mois de mars, est organisé un concours de ski qui dure une semaine et qui est ouvert à toutes les classes d’âges. Ces compétitions, avec en vedette la course de fond, rassemblent de nombreux skieurs de toute la Haute Tarentaise et participent à l’édification de véritables légendes locales comme Innocent Bognier qui se plaisait à entamer chaque course avec un handicap ou qui lors d’une course à Montvalezan, gagna après s’être battu avec deux individus chargés de le ralentir ! C’est durant cette période également qu’est instaurée l’épreuve de descente « Aiguille Percée – Vieux Tignes ». 

Parallèlement, on commence à se rendre au lac de Tignes malgré des conditions d’accès difficiles, l’ascension se faisant à peaux de phoques ou à dos de mules en fonction de la saison. En 1925, un chalet-refuge est d’ailleurs ouvert. Racheté en 1930, il est agrandi et devient un « hôtel refuge », lieu des adeptes du ski de printemps. Ce premier établissement existe d’ailleurs toujours.
Le développement n’est cependant pas total et un certain nombre de projets d’aménagement reste lettre morte face aux résistances locales. En effet, l’économie rurale demeure encore prédominante. 
La construction du barrage jouera alors un rôle déterminant dans l’évolution de la commune : si son aménagement met un terme au développement des infrastructures touristiques de l’ancien village et plus largement à un mode de vie ancien, il aura pour conséquence le développement de la « super station ». 

 

Le développement de la station de sports d'hiver

Au début de l’année 1952, alors que la population est dispersée et qu’EDF se retire financièrement du projet de station, la commune reprend en main l’idée d’aménagement en association avec l’architecte R. Pantz et les Ponts-et-Chaussées.
Les premières années s’avèrent extrêmement difficiles ; si les activités touristiques se développent aux Brévières et aux Boisses, la commune doit composer avec des problèmes liés à l’ampleur du projet. Lorsqu’au milieu des années 1950, la station du Lac ouvre ses portes, elle demeure sous-équipée.

La construction du barrage entraîna une division au sein de la communauté quant au devenir de la population locale. D’un côté, une partie des Tignards se montrèrent favorables au projet de station aménagée autour du lac et de l’autre, la majorité de la population attachée à l’économie traditionnelle, refusait de vivre en permanence à 2 100 m et de se reconvertir dans le tourisme.

Il faut en réalité attendre les années 1960 pour voir le décollage de la station. En effet, Tignes bénéficie de la mise en place du premier Plan Neige établi par l’État en 1965 qui vise à développer les sports d’hiver et à favoriser les investissements dans « l’or blanc ». Dès lors, les aménagements s’accélèrent autour du Lac : en 1965, le quartier du Lavachet est construit sous les directives de Pierre Schnebellen qui signe deux ans plus tard un contrat de concession avec la commune. En 1968, le Val Claret est aménagé au pied des récentes remontées mécaniques du glacier de Grande Motte.

Si le développement s’avère soutenu tout au long des années 1970, il n’en demeure pas moins qu’il se fait au coup par coup et des excès y sont dénoncés. 

Aujourd’hui Tignes compte 30 000 lits touristiques et après une vague d’aménagement, porte ses efforts sur la qualité de ses équipements et de son accueil tout en se montrant prête à relever les défis liés à l’évolution du climat et plus généralement à l’environnement. Cet effort visant à l’amélioration de la qualité de l’accueil, est marqué par la construction de la Maison de Tignes, inaugurée en 2000, qui regroupe les principaux services chargés de la réception des touristes.

Après l’aboutissement du projet de piscine (1er semestre 2006), Tignes voit l’émergence d’un véritable centre communal : au sein du quartier de l’Aiguebrun qui regroupe déjà l’école, l’église, le centre de secours et les services techniques communaux, est érigée la nouvelle mairie établie selon les plans du Cabinet Minster. Dominant le lac, cet ensemble constitue le cœur communal de Tignes.